
Almost heaven, Akaroa (Partie 1, le Fox)
Journal de bordJ’ai souvent entendu parler d’Akaroa, ce petit village breton en Nouvelle-Zélande, niché au bout de la péninsule de Banks – un bout de terre tout rond, ancien cratère d’un super-volcan.
C’était forcément sur mon itinéraire, mais la question était de savoir pour combien de temps y rester.
J’ai d’abord songé à travailler dans un restaurant sur le port; toutefois, l’arrangement que j’avais est tombé à l’eau. Les employeurs demandent généralement de s’engager sur plusieurs mois, et quelques semaines ne suffisent pas.
Et puis, j’ai rencontré Théo et Elsa, lors de mon séjour à Marahau. Ils m’ont raconté avoir fait du woofing chez Roy, un américain-italien de New York, qui a immigré en Nouvelle-Zélande depuis vingt ans. Je vois de qui il s’agit, j’ai déjà vu son profil sur le site de woofing que j’utilise. Mais ce qu’ils m’apprennent, c’est que Roy est capitaine d’un vieux gréement, le Fox II, sur lequel il emmène les touristes tous les jours pour voir les dauphins.
Mon job rêvé. Alors, ils lui écrivent, demandent s’il a besoin d’un membre d’équipage. Malheureusement, il répond par la négative, mais je suis cordialement invitée à faire un tour de bateau si je veux.
Je refuse d’accepter cette réponse. J’ai décidé que j’aurai ce job.
Alors, après plusieurs jours chagrins et décevants (coucou Kaikoura et Christchurch), je prends la route de la péninsule de Banks (nommée d’après le naturaliste du bord; sur les premières cartes de Nouvelle Zélande, elle est incorrectement indiquée comme une île).
Je tombe amoureuse de la route, qui suit le rebord du cratère du volcan, avec des vues vertigineuses sur des vallons et des collines, et là-bas, au loin, l’océan.

Il fait extrêmement chaud lorsque j’arrive à Akaroa, plus de 30 degrés. Je m’amuse des noms des rues en français (“rue balguerie”, “rue cachalot”), du motel “La Rochelle”, des boutiques aux mauvais jeux de mots bilingues.



C’est une des plus anciennes villes de Nouvelle-Zélande, principal port d’entrée sur l’île du Sud pour les colons en 1830 – français comme anglais. Il y a de vieilles églises en bois, des petites boutiques fleuries, des vieux chaudrons qui autrefois servaient à faire fondre la graisse des baleines, une boucherie du village, un marché le samedi matin. Une petite plage qui donne sur un mouillage, des jetées de bois charmantes, un yacht-club centenaire.

Le village est niché au creux d’une baie, bien à l’abri des fureurs de l’océan pacifique.
Je me gare à la marina, seul endroit où le free camping est autorisé, pour deux jours d’affilé. Et puis, j’emprunte la rue principale pour explorer la ville. Je ne suis pas encore arrivée place de la Poste* (*:en français dans le texte) que je tombe nez à nez avec une jeep indiquée “Fox II”, un homme avec une casquette “Fox II”, qui est entrain d’arranger un panneau “Fox II”. Je ne suis pas mentaliste, mais quelque chose me dit que c’est lui.
Je ne sais pas exactement comment j’imaginais m’y prendre; j’avais dans l’idée de me présenter le lendemain sur le bateau, faire la croisière sans doute, lui demander ensuite.
Mais lorsque je l’aborde, “Est-ce que tu es Roy ?”, et que je lui explique que mes copains lui ont écrit à mon propos, il est pris au dépourvu, et me jauge du regard. “Tu voulais vraiment ce job, hein ? Viens déjà faire un tour sur le bateau cet après-midi, voir si tu aimes bien, on embarque dans une demi-heure”.
Ça s’enchaîne très vite, et je cours jusqu’à mon van récupérer mes affaires pour me présenter à Daly’s wharf, ce petit embarcadère en bois où trône une tourelle au toit orange, l’ancien clocher de l’école primaire du village.

A bord, je rencontre Daisy (une anglaise), et Danielle (une hollandaise), membres de l’équipage. Il fait beau, chaud, on part pour trois heures de voilier.
Le Fox II est un ketch (en gros, un deux-mâts à voile aurique), bâti en 1922, entièrement fait de Kauri. Autant vous dire qu’il est indestructible. Il a d’abord servi à transporter des marchandises, avant d’être un bateau de pêche à la langouste, et de fil en aiguille, devenir le yacht privé de Peter Blake, et finalement être un promène-touristes.


On part dans l’ancien cratère du volcan, on rencontre les dauphins d’Hector, les plus petits dauphins au monde, mais aussi les plus rares (je pensais qu’il s’agissait des Vaquitas, mais non, ce sont des marsouins, mais leur sort n’est guère plus réjouissant). On croise de petits pingouins bleus (d’ailleurs, vous saviez que la couleur bleue est la plus rare dans la nature ? Et que les animaux qui nous apparaissent bleus ne le sont en fait pas vraiment ? Vous allez être tellement forts aux pubs quizz grâce à moi). L’eau est turquoise entre les hautes falaises, et puis, on part dans l’océan. La houle est ronde, Bobby Darrin chante à fond dans les hauts parleurs, un albatros joue avec le vent. C’est la première fois que j’en voie un.





On prend la direction d’Haylock’s bay, où une colonie d’otaries se prélasse dans les bassins laissés par la marée dans les rochers.
A la voile, la mer est paisible dans le port d’Akaroa, ce goulet formidable créé par le cratère du volcan il y a des millions d’années (en maori, le nom signifie long port). Je découvre une joie de vivre insoupçonnée dans ces instants sur le Fox.


Alors que je m’apprête à débarquer avec l’ensemble des vacanciers, Roy me fait une contre-proposition. “Reste à bord, on fait une fête sur le Fox ce soir”.
La fête consiste à mettre le bateau au mouillage, boire toutes les bouteilles de vin destinées aux touristes, et sauter dans l’eau.
On part chercher des pizzas avec l’annexe.
J’ai l’impression d’être amie avec Danielle, Daisy et Jess (une galloise) dès le premier instant.
On regarde la lune se lever par-delà le bord du cratère, et la vie est parfaite.

La chaleur ne mollit pas. Il est près de 22h, et je saute encore une fois dans l’eau.
Malencontreusement, le capitaine a retiré l’échelle du bateau sans que je m’en aperçoive, et le voilà obligé de me repêcher à bout de bras pour regagner le navire.
Roy me propose un deal; il n’a pas besoin d’équipage, et il a des woofeurs qui doivent arriver dans les jours qui viennent. Cependant, pourquoi pas venir en woofing tout de même chez lui pour quelques jours, et faire du bateau quand je veux ? En plus, il a effectivement besoin d’une serveuse pour une croisière au coucher du soleil le jour suivant.
Je saute sur l’occasion.
Je suis loin de me douter que ce n’est que le début de merveilleuses surprises.

Les jours suivants, il fait tellement chaud que mon petit frigo ne tient plus; la batterie s’est épuisée à essayer de maintenir les aliments au frais dans une voiture où la température a clairement dépassé les 50 degrés.
Les fruits que j’ai acheté la veille pourrissent en une après-midi.
Je voudrai dormir fenêtres et portes ouvertes, mais je suis tout de même dans un parking en ville. En plus, une voiture déclenche son alarme sur les coups de quatre heures.
Le matin, je continue ma promenade interrompue la veille dans Akaroa, avant de me rendre à nouveau sur le Fox II l’après-midi. Je suis juste heureuse de pouvoir faire du bateau.

Le couple d’allemands qui doit rester en woofing vient également passer l’après-midi.
Peut-être que je suis mauvaise langue, car après tout, c’est leur première fois sur le navire (et moi ma seconde), mais je ne pense pas qu’ils fassent l’affaire. L’avis est partagé par les autres membres de l’équipage (on est devenues amies de toujours depuis la veille).
Roy disparaît avec eux pour leur montrer sa maison, et je dois les rejoindre dans un jour ou deux. En attendant, je reste sur le bateau, je suis embauchée pour la croisière du soir pour servir les boissons.
On navigue au coucher du soleil, quelqu’un joue de la guitare. On maudit les jetskis qui tournent autours du navire comme une nuée de moustiques.
Une fois rentrés à quai, on sort à nouveau les bouteilles de vin. Je vais chercher ma guitare dans mon van. On regarde les étoiles en buvant du champagne et en jouant de la musique.
Les filles de l’équipage essaient de me faire croire qu’on ne fait jamais la fête à bord comme ça d’habitude. Je ne les crois pas, ou plutôt, je choisis de croire que c’est ce qui m’arrive en Nouvelle-Zélande depuis mon arrivée.
La vie n’a jamais été si douce.

Le lendemain, les allemands ont disparu sans laisser de trace. Je vous avais dit qu’ils n’étaient pas à la hauteur. Je randonne dans Children’s bay, jusqu’à un rhinocéros de ferraille. Je retourne sur le Fox, je n’arrive pas à m’en lasser (spoilers alert : je ne m’en lasserai jamais).


Enfin, je gare mon van chez Roy, dans le champ attenant à sa maison. Il y a une vue sur la mer, un jacuzzi, et un placard à alcool très fourni; dans une de ses nombreuses vies, il a été barman.
Je ne suis censée travailler qu’une ou deux heures par jour; en échange, je n’ai accès qu’à la salle de bain, et au frigo du garage, afin de lui laisser son espace. Je peux venir également sur le navire dès que j’en ai envie. Cela me convient parfaitement.
Surtout que le deal vole en éclats rapidement, et à mon avantage : il ne résiste pas à sa passion, qui est de faire la cuisine, et moi à la mienne, qui est celle de bien manger. On s’accorde parfaitement.
Ce n’est que le début d’un doux mois à Akaroa.

Le bon plan de l’héliotrope : le free camp est autorisé à peu près partout sur la péninsule de Banks (du moment que vous n’êtes pas chez les gens…) , mais restreint à Akaroa. Si le parking de la marina est plein (quelqu’un passe tous les matins pour surveiller !) rendez-vous à Robinson’s bay, ou prenez la route de la fromagerie Barry’s Bay : c’est plein de petits spots charmants au bord de l’eau.
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