
Almost heaven, Akaroa (Partie 3 – “See you on the wharf, mate !”)
Journal de bord
Je cesse de faire figuration au sein de l’équipage quand une bourrasque soudaine à plus de 25 nœuds de vent nous force à abattre les voiles en catastrophe, et Roy de me donner la barre pour nous mettre face au vent.
J’apprends rapidement, et je suis heureuse de faire partie de ce petit groupe. J’ai même droit à mon uniforme brodé à mon nom.
J’apprends à piloter l’annexe, et je mets en place une routine avec Roy qui lui rend bien service après avoir mis le bateau au mouillage. Du coup, tous les soirs après l’avoir déposé sur le quai, je m’offre une petite pointe de vitesse dans la baie avec le zodiac. Et dire qu’il y en a qui prennent le métro après le boulot…

Au bout de quelques jours, je connais le commentaire par cœur; je crée un bingo avec l’une des Daisy avec les phrases clés. Je m’amuse des instants où Roy se perd dans son commentaire et me regarde avec des yeux paniqués pour savoir ce qu’il est censé raconter.

Avec les filles, on compare nos “boat bites“, les morsures du bateau : ces bleus étranges qui apparaissent sans qu’on s’en aperçoive, puisqu’on passe pas mal de temps à courir et à se cogner à cause de la gîte.
On découvre également rapidement que le meilleur spot du bateau, c’est le toit de la cabine.

Un après-midi, le bateau est privatisé par quatre américains de Floride. Nous sommes en route vers une baie où l’on doit jeter l’ancre pour leur servir à déjeuner, quand il arrive quelque chose de formidable. Je repère à l’horizon de grands jets d’écume. Il n’y a pas de rochers à cet endroit là, alors on décide d’aller y jeter un œil. Peut-être est-ce une baleine ? Ou bien, une attaque de requin ? Des otaries qui chassent ?

Et puis, soudainement, c’est toute la mer qui bouillonne autours de nous, et une cinquantaine de grands dauphins (non, ce n’est pas que je suis à court d’adjectif pour les décrire, c’est leur nom, les grands dauphins ou dauphins souffleurs (bottlenose) !) surgissent. Pendant presque une heure, ce large groupe, bien plus grand que les dauphins d’Hector que l’on croise d’habitude, nous accompagne. Ils dansent le long de l’étrave du bateau, surgissent de tous les côtés, sautent, bondissent. On observe plusieurs petits avec leurs mères.



Il est difficile de décrire exactement l’agitation présente dans la mer à ce moment là. Ils réagissent à la musique, nous entourent, et surgissent de toute part.





Les américains, ce jour-là, déjeuneront bien tardivement, mais nous avons tous vécu une expérience unique.
Oubliez les rêves de gagner au loto, je veux vivre des instants comme ça tous les jours.


Le challenge de chaque jour, c’est de repérer les dauphins. Nous ne sommes pas les seuls à leur recherche dans la baie d’Akaroa. Il y a les tours operators qui proposent de nager avec les dauphins (une expérience pourtant interdite dans Bay of Islands pour ne pas déranger la faune, mais toujours autorisée ici), et les promènes-touristes plus conséquents (imaginez de gros catamarans à moteurs, vitrés).
Le Fox II mène pourtant une opération séduction sur les dauphins. Je les ai vu se détourner de leur chemin pour venir voir ce qu’il se passait, et profiter de la musique. Car, étrangement, le capitaine a les mêmes goûts musicaux que les mammifères marins.
Et puis, de manière générale, ils recherchent les courants sous-marins, notamment créés par les étraves des navires, ou en tout cas, celui du Fox.

Alors que l’on suit notre route, nous voyons l’un de ces immenses catamarans motorisés, qui guettent désespérément les dauphins. Pas de chance, notre trajet habituel passe près d’eux…. et les dauphins qu’ils désespéraient de voir se détournent de leur navire pour venir accompagner le nôtre.
Cela nous vaut un appel remonté à la VHF du pilote du-dit bateau à touristes, qui, dans son plus brut accent kiwi, indique vertement au capitaine que “c’était vraiment vicieux de venir voler nos dauphins, et qu’on va s’expliquer sur la jetée, gars”.
Cela fait des semaines, et on rigole encore à l’idée qu’un des matelots vienne se battre avec Roy sur la jetée “parce qu’on a volé ses dauphins”. Roy en fait une imitation à mourir de rire. On en rigole tellement qu’avec l’équipage, on envisage de se faire tatouer : “See you on the wharf, mate !“
Il est pourri votre bateau les gars, acceptez-le, les dauphins ont du goût !

Un soir de pluie, on décide d’aller au cinéma, tous ensemble. Babylon, extrêmement mauvais, plus de trois heures de film. Je dois secouer Roy de temps à autres, parce qu’il ronfle. Le fou-rire prend dans notre rangée.

Je continue mes explorations de la baie; cela fait près d’un mois, et j’ai encore de nombreux chemins à parcourir. J’ai pour objectif d’atteindre Nicau Palm Gully, une vallée nichée au creux de la falaise que l’on croise chaque jour en bateau, et peuplée de palmiers qui ne donnent pas de noix de coco (d’où le nom de “Nicau” en maori).

Je pars à l’aube, depuis l’un des villages maoris. Et puis, bêtement, j’ai suivi le panneau qui indiquait “CHEMIN DE RANDONNÉE”. La piste monte, suit les falaises, et m’emmène presque au bout de la baie. Ce n’est finalement pas du tout le chemin que je souhaitais prendre, mais j’en prends plein la vue : c’est une partie de la Banks Peninsula Track, randonnée de trois jours, et qui mène au sommet de la péninsule.

Moi, je tombe amoureuse du détour “Ridge walk” : au bout de quelques minutes, il faut grimper sur des rochers, et là, la vue s’ouvre sur l’océan. Dans la tendre lumière du matin, j’aperçois le Fox, tout petit point qui s’en va vers le Pacifique…


Finalement, je croise un randonneur, qui m’explique comment trouver la piste que je recherche : il faut redescendre à mon point de départ; cette randonnée-là se trouve derrière les bâtiments de la ferme. Il est midi, je randonne depuis 4 heures, j’ai mon œuf dur et mon avocat dans la poche, alors, je rebrousse chemin, bien décidée à atteindre mon but.


Cette promenade-là est bien plus simple, entièrement plate (presque), et longe la falaise et les champs de moutons. Finalement, je m’enfonce dans la vallée et découvre la forêt vierge et une cascade.
Au bord de la falaise, au soleil, je guette le Fox. Il doit passer par-là, mais je ne sais pas quand : le trajet diffère parfois. Je m’endors au soleil. J’attends près de 45 minutes, mais je suis têtue. Une hermine court à mes pieds. C’est la première fois que j’en vois une, et c’est ironique que ce soit en Nouvelle-Zélande !
Ici, elles sont considérées comme une espèce nuisible.



Enfin, le Fox surgit au détour de la falaise, et je vois Roy et Daisy qui s’agitent. Ils m’ont repérée, et s’empressent de sortir toutes les voiles. “Peacocking“, on appelle ça, comme un paon. Ils savent bien que je vais prendre des photos.

Je ne suis pas sûre de croire au hasard; en tout cas, pas ici. Cela fait plusieurs fois qu’une suite d’évènements bien précise entraîne d’étranges coïncidences.
Alors que je souhaite reprendre mon van et partir en vadrouille, celui-ci me rappelle durement que j’ai posé mes bagages depuis un peu trop longtemps : la batterie est à sec. Pas d’aventure pour moi ce jour-là, alors, bon, je me console à la plage. (Dure vie que je mène, voyez-vous). Là, assise sur ma serviette avec mon livre, j’entends une voix qui appelle mon nom : “Emmy ?!”
C’est Eliott et Antoine, les deux français avec qui j’ai navigué dans Bay of Islands, qui viennent juste de se garer à quelques mètres de là, et qui ont réussi à me reconnaître de dos.
Nous n’avions pas prévus de nous retrouver, mais ici, ils recroisent toujours par hasard les personnes qu’ils ont rencontré… des milliers de kilomètres plus loin.

Cela fait quatre mois que je voyage, sans poser mes valises plus d’une semaine quelque part. Je rencontre des gens, on s’attache, et puis je dois repartir, continuer à rouler, dévorer le pays à toute allure. Aussi magnifique que soit la Nouvelle-Zélande, et aussi attachants que soient les gens qui m’ont accueillie, je n’ai pas trouvé d’endroit qui a autant fait battre mon cœur. Il y a bien eu Tauranga, où je me suis dit, “ah oui, dans une autre vie, j’aurai vécu là”.
Pourtant, à Akaroa, j’ai bien envie d’y rester…
Mais pour l’instant, il faut continuer, car il ne me reste plus qu’un mois.

Pour la première fois, mon anniversaire n’est pas au printemps mais durant l’été indien. On fait une dernière soirée, dîner intime en famille avec mon équipage. Je passe trois jours à pâtisser; je dois improviser : impossible de trouver certains ingrédients ici, alors je pars de zéro. Challenge, une partie de l’équipage est sans gluten et/ou végétarien.
Je m’offre des ballons et des bougies pour mes 31 ans.
Roy m’offre un barbecue gargantuesque.
Les filles de l’équipage m’offrent du vin, du pain, du fromage français (du brie de Meaux dont le prix au gramme vaut clairement plus que l’or), et du chocolat. Je les adore.
Pourtant, le lendemain matin, il est temps de partir.
Les bons plans de l’Héliotrope :
Le Rige walk est ma randonnée préférée à Akaroa !
Faites un tour à The Cake Room, un salon de thé adorable avec des gâteaux très, très, très bons et de la vaisselle trop mignonne (en plus, c’est vraiment pas cher).
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